Le livre italien de la Renaissance et après (en anglais)
Ce cours abordera un certain nombre d’ « épisodes » dans l’histoire du livre italien de la Renaissance, en lien avec les sessions pratiques à la Bibliothèque municipale de Lyon. Pour commencer, le cours s’intéressera au passage du manuscrit au livre imprimé au XVe siècle. S’agit-il d’une transition sans heurts ou une rupture violente avec la tradition ?
Depuis cette époque, les manuscrits italiens sont très prisés partout en Europe. Il n’est donc pas étonnant que les premiers imprimeurs se servent de ces ouvrages de luxe comme modèle. Les mutations à l’œuvre à cette période vont au-delà du passage du scribe à l’imprimeur. Elles interviennent dans le passage du parchemin au papier, de livres grand format aux ouvrages de petit format, d’un petit nombre de livres à une quantité importante de livres, et du latin aux langues vernaculaires. L’impact sur le mode de production des livres et sur leur mode de rangement dans les bibliothèques est énorme et a des conséquences considérables dans divers domaines comme le catalogage et la conservation.
L’imprimerie apparaît pour la première fois en Italie dans le monastère bénédictin de Subiaco en 1465 mais se répand rapidement à Rome (1457) puis à Venise (1467). Dès les années 1480, une industrie moderne de l’imprimerie est déjà en place à Venise comme l’atteste très clairement un document des plus fascinants, le Zornale du libraire Francesco de Madiis. Établi dans le quartier du Rialto, ce libraire vend quelques 25000 exemplaires entre 1484 et 1488. En effet, son registre inventorie non seulement les ventes jour par jour mais aussi le prix pour chaque livre. Il est donc possible de faire des comparaisons avec les exemplaires qui ont survécu dans les bibliothèques d’aujourd’hui.
La vie et la personnalité d’Alde Manuce – le cinq-centième anniversaire de sa mort a été commémoré en 2015 – ont contribué à bouleverser radicalement cette industrie florissante du livre ainsi que notre perception de l’histoire du livre italien de la Renaissance. Que lui devons-nous exactement ? Une réponse est qu’il est à l’origine d’un canon, autrement dit un modèle pédagogique qui persiste jusqu’à nos jours.
Le fait que le livre italien et la langue italienne ont été très largement diffusés à travers l’Europe dès le XVIe siècle, les projets de catalogage modernes ont dû incontestablement prendre en considération le taux bas de survie de certains textes et leur dispersion massive. Le projet Edit16 suscite unanimement de l’admiration mais il a sa propre histoire complexe et emploie des dispositifs comme l’empreinte dont la compréhension est nécessaire afin de pouvoir se servir de cet outil de manière efficace, alors que beaucoup d’éditions italiennes de cette première période de l’imprimerie présentent des variantes d’état et d’émission nécessitant aussi une certaine expertise bibliographique pour leur interprétation.
Lundi 4 juillet 2016
Matin : 9h à 12h30, enssib
Les bibliothèques italiennes depuis le Moyen Âge jusqu’à à l’époque moderne.
Organisation du réseau des bibliothèques : bibliothèques d’Etat, bibliothèques en milieu urbain, et d’autres types de bibliothèques. Avantages et inconvénients de l’abondance des premiers livres imprimés. Les grandes collections de la Renaissance (Gonzaga, Este, Montefeltro). La Bibliothèque Malatestiana à Cesena et la Bibliothèque du couvent San Marco à Florence. Le modèle de la « bibliothèque enchaînée » jusqu’à la Bibliothèque Laurentienne. La « verticalisation » du livre au XVIe siècle : causes et conséquences. La bibliothèque comme arsenal: la Bibliothèque Angelica et la Bibliothèque Ambroisienne.
Après-midi : 14h à 17h30, Bibliothèque municipale de Lyon
Les manuscrits italiens de la Renaissance et les incunables complétés à la main.
Les premiers livres imprimés sont produits au moyen d’un processus d’écriture mécanisée et complétés à la main (rubrication et enluminure). Lors de cette session, on étudiera des documents originaux à la BmL en les comparant à la pratique manuscrite afin de comprendre comment le livre imprimé a rapidement créé ses propres paradigmes.
Mardi 5 juillet 2016
Matin : 9h à 12h30, Bibliothèque municipale de Lyon
La bibliothèque possède une riche collection d’éditions aldines, dont deux exemplaires de l’Hypnerotomachia Poliphili de 1499 et plusieurs exemples d’éditions pirates in-octavo en italique sorties des presses lyonnaises. Cette session s’intéressera aux innovations aldines au niveau de la mise en page, mais aussi au dessin graphique de ses caractères typographiques et à quelques-unes de ses innovations extraordinaires, comme l’indexation, introduite pour la première fois dans le Perottus de 1499, dont la BmL possède un exemplaire. Nous analyserons également le développement du modèle aldin à travers le XVIe siècle, d’une part dans la continuation de l’entreprise par Paulo et Alde le jeune et d’autre part chez ses compétiteurs et imitateurs comme les Giunta et les Giolito.
Après-midi : 14h à 17h30, enssib
L’Italie et sa Renaissance véhiculée par le livre.
L’histoire politique et sociale de l’Italie à la Renaissance. La culture médiévale, les monastères et l’Eglise catholique ; la société laïque et l’impact de l’humanisme. La richesse et un niveau de richesse inimaginable. La mise au point de la presse typographique et les typographes germaniques itinérants. Les débuts de l’imprimerie à Rome : un désastre éditorial. L’imprimerie à Venise : des vicissitudes au triomphe et l’invention de l’imprimerie moderne. Le cahier d’un imprimeur : Ripoli à Florence (1476-1484). Le registre d’un libraire : le Zornale de Francesco de Madiis (1484-1488). Les inventaires d’entrepôts : Platone de' Benedetti (1497) et Niccolò da Gorgonzola (1538).
Mercredi 6 juillet 2016
Matin : 9h à 12h30, enssib
Alde Manuce et le mythe d’Alde.
L’importance d’être Alde : ce qu’il a fait ou ce qu’il n’a pas fait. L’instituteur qui a fondé une dynastie d’imprimeurs (1494-1598). Le canon aldin et son intérêt dans l’histoire de la pédagogie occidentale. Les caractères typographiques d’Alde : Le romain, l’italique, et le génie de Francesco Griffo. Modifications dans les formats de papier : jouer avec la forme du livre. Imprimer en grec : le défi technique. Le lancement du livre de petit format et les contrefaçons lyonnaises. Les catalogues aldins de 1498, 1503, 1513. Les rivaux d’Alde : la dynastie des Giunta.
Après-midi : 14h à 17h30, Bibliothèque municipale de Lyon
La langue italienne et la littérature : les grands écrivains.
La langue italienne est quasiment une langue artificielle, inventée par Pietro Bembo au XVIe siècle. Elle a puisé son style dans les œuvres des trois grands écrivains toscans de l’époque médiévale : Dante, Pétrarque et Boccace. Elle doit également beaucoup à l’imprimerie et au fait que des auteurs de la Renaissance comme Arioste, Sannazzaro et Castiglione, qui s’exprimaient en dialecte chez eux, l’ont choisie comme modèle dans leurs œuvres. Au cours de cette session, on s’intéressera aux éditions de ces auteurs du XVe jusqu’au XXIe siècle afin de voir comment ils inventèrent « la letteratura italiana » terme utilisé pour la première fois par Girolamo Tiraboschi au XVIIIe siècle.
Jeudi 7 juillet 2016
Matin : 9h à 12h30, enssib
Les projets de catalogage des incunables de l’IGI à l’ISTC.
EDIT16 et la géographie et l’histoire des bibliothèques italiennes. La Bibliothèque Vaticane : un corps étranger. Utilisation de l’empreinte et l’interprétation des relevés. Prise en compte de la survie, de la destruction et de la dispersion : le roman de chevalerie italien et la liste de Marin Sanudo. Pulci, Boiardo, Arioste : statistiques d’un phénomène éditorial. Imprimer dans d’autres écritures : la Tipografia Medicea Orientale. Le livre italien hors d’Italie : Iacopo Corbinelli et Giordano Bruno. L’histoire des collections d’éditions italiennes de la Renaissance.
Après-midi : 14h à 17h30, Bibliothèque municipale de Lyon
Les livres italiens illustrés de la Renaissance.
L’imprimerie de la Renaissance italienne excellait dans la production de livres illustrés, aussi bien techniques comme les textes sur la médecine ou sur les sciences que ceux destinés à un public large, comme le Roland Furieux. Au début, on insère des bois gravés. Dès la fin du XVIe siècle, les imprimeurs maîtrisent la technique d’insertion de gravures sur cuivre dans une presse à cylindres, par exemple dans l’illustration du traité célèbre de Galilée Nuncius sidereus (1610). Au cours de cette session, nous verrons une sélection de livres illustrés et les étudierons en lien avec des répertoires comme ceux d’Essling et de Sander.